LETTRE OUVERTE A SON EXCELLENCE MONSIEUR LE
PM
Excellence,
Très respectueusement, je m’adresse à vous, car
vous êtes à la tête de l’exécutif de notre pays et avez par conséquent la
lourde tâche de conduire sa destinée.
Excellence, je suis chirurgien en fonction au CHU
Sylvanus Olympio. J’ai exercé mon métier durant plusieurs années et je suis à
l’orée d’une retraite, bien méritée. J’avais nourri l’espoir de voir la
médecine de mon pays répondre aux sollicitations d’une population meurtrie par
tant d’années de misère. Excellence, si je prends ma plus belle plume ce matin
pour vous écrire, c’est parce que la réalité a profondément déçu les attentes
du vieux monsieur que je suis.
A l’orée de ma retraite, il m’arrive de ne pas
opérer : non pas que je ne le veuille pas ou que je veuille reposer
mes vieux os en attendant ce jour où je pourrai enfin jouir d’une détente tant
méritée ! Il m’arrive de ne pas opérer car durant toute la semaine du 28
janvier au 3 février nos blocs opératoires étaient fermés : les égouts y
avaient débordé et les conditions d’insalubrité empêchaient tout acte
chirurgical. On s’y attendait pourtant car il y a eu des éléments annonciateurs
d’une telle catastrophe, mais comme à son habitude, l’autorité nous assénait qu’il
n’y avait pas d’argent pour
astiquer les conduits et construire une nouvelle
fosse septique. Il m’arrive de ne pas opérer car, la semaine dernière il n’y
avait plus d’eau au CHU SO. Le forage était en panne et les blocs sans eau. Il
m’arrive de ne pas opérer car les scialytiques ne fonctionnent plus et sans
lumière, raisonnablement nous annulons les opérations. Il m’arrive de ne pas
opérer car les salaires n’ont pas été payés aux membres de mon équipe : la
dernière trouvaille de notre institution consiste à nous sensibiliser pour que
nos salaires soient domiciliés dans une même et unique banque qui accepterait
accorder des découverts pour payer à crédit les salaires. Il m’arrive de ne pas
opérer car, comme ce matin, il n’y a pas de linge opératoire : les blouses
et les champs sont en nombre insuffisant. Il m’arrive de ne pas opérer car je
suis excédé !
J’avais souvent pensé que la santé était délaissée
au profit d’autres secteurs d’activités. Mais mon appartenance à l’université
m’a fait prendre conscience du fait que l’enseignement supérieur aussi est en
souffrance. Le président de l’université de Lomé a réuni les doyens pour leur
annoncer la faillite de son institution : si l’on n’y prend pas garde, à
partir du mois de mars les salaires ne seront plus payés aux enseignants. Déjà,
les heures supplémentaires de l’année académique écoulée ne nous sont pas
payées. Alors devrons-nous, à l’instar de nos étudiants bientôt porter des
pancartes pour réclamer nos droits ?
Ce sont là juste quelques interrogations qui me rongent
le cœur et l’esprit Excellence. En tant que citoyen je n’aborderai pas les
autres maux qui minent notre pays, des épisodes humiliants et honteux tels que
l’expulsion de nos joueurs de leur hôtel en Afrique du sud, les marchés qui ont
brûlé et les ressources de nos sœurs parties à jamais en fumée…
Excellence j’ai honte de le dire mais votre
gouvernement ne fait pas la fierté de mon pays. Si vous ne pouvez pas conduire
sa destinée, rien ne sert de vous acharner. Prenez exemple sur le pape et tout
au moins organisez des élections transparentes pour partir avec les honneurs.
Car vous devez partir
Respectueusement
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